Ascension du Rinderhorn (3453m), le 13 septembre 1999

Ben les enfants, vous ne devinerez jamais ce que j'ai fait ce week-end. Bon d'accord, certains savent déjà que je suis allé en montagne et qu'on a fait une petite randonnée, mais même moi, je ne savais pas encore ce qu'allait être cette randonnée. Alors, je vous raconte...

Là-haut sur la montagne...

Il était une fois un Manu complètement inconscient, à qui on propose de faire un petit tour en montagne. C'est organisé par ABB, donc uniquement entre collègues, sans les conjoints. Mon chef chez ABB, Thomas, nous assure à tous que c'est faisable, que c'est cool, que c'est pas trop difficile, qu'on est tous assez "fit" pour ça, etc... Donc vendredi matin, nous prenons tous le train pour Kandersteg (regardez sur une carte de la Suisse pour savoir où ça se trouve, ce sera plus simple). Arrivée à 11h30. Et hop nous voilà partis à l'assaut de cette montagne. Cette première étape, bien que (très) longue, n'était pas difficile. Juste quatre ou cinq heures de marche pour atteindre le refuge (un vrai hôtel : Berghotel Schwarenbach) à 2060 mètres d'altitude. Autant vous dire qu'on était tous très contents d'être enfin arrivé. Et hop, un demi-panaché pour se remettre en état. Vache, ça fait du bien de boire un grand coup.

C'est beau la montagne, mais c'est encore plus beau quand on enlève ses chaussures de marche pour reposer ses petits petons fragiles qui viennent de souffrir pendant ces quelques heures de marche. Il nous faut encore essayer les crampons et les harnais... Oui, oui, vous avez bien lus: crampons à glace et harnais de sécurité. Il y en a même qui avaient des pics à glace. Bon bref, on essaie, juste pour voir si c'est la bonne taille, on marche un peu avec pour se faire la main, je veux dire pour se faire le pied, et on les enlève, parceque quand même, faut pas déconner, on est déjà crevé, et en plus le dîner nous attend.

Une fois n'est pas coutume, après le dîner, direct au pieu à 21h30 !! Et en plus volontairement. Faut dire aussi que Thomas est venu à nous pendant le dîner avec un grand sourire aux lèvres: "Bon alors, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer !" Nous, on s'attendait au pire, mais pas à ce qu'il allait nous dire: "Demain matin, debout à 4h15, p'tit déj à 4h30 et départ à 5h !" Arghhhhh !!!! Non pas ça ! Mais que viens-je faire dans cette galère ?!?

Et le lendemain, comme prévu, réveil à 4h15, départ vers 5h15. Et nous marchons dans le noir, éclairés seulement par par la clarté des étoiles, et par la pale lueur de nos lampes torches. A cette heure-là, le ciel est magnifique. Je n'avais jamais vu autant d'étoiles. C'est beau...

Après quelques heures (seulement deux heures cette fois) de marche, le guide quitte la route et se dirige droit vers la paroi rocheuse. Il est fou ?!? Mais non, en fait, c'est bien par là qu'on va monter. Donc nous sommes maintenant à environ 2400m d'altitude, et nous nous trouvons au pied d'un pierrier. Et lorsqu'on regarde vers le haut, on se demande vraiment comment on va faire pour marcher là-dedans... Mais pas de problèmes, ni d'états d'âme, on y va. Et hop.

Au fur et à mesure que l'on grimpe, on ressent de mieux en mieux le poids du sac qui tire sur les épaules. Remarquez je n'avais que 10 ou 12 kilos sur le dos. Mais quand bien même, ça pèse. Quelque part dans la montée, nous organisons donc un dépot, où nous devons laisser tout ce dont nous n'avons pas besoin pour le reste de la montée (et pour la redescente bien sûr), c'est-à-dire, affaires de toilette, vêtements de rechange, lampe (il fait jour maintenant), nourriture superflue, etc... Se faire le plus léger possible. Malgré tout il reste quand même 5 ou 6 bon kilos sur le dos... dont 1,5 litres de thé et d'eau.

RinderhornEt nous continuons notre grimpette.Très lentement parce que ça monte vraiment. Devant nous, un autre groupe monte aussi. Il y en a deux qui transportent des rondins de bois. Lorsqu'on les rejoindra sur la crête, ils nous expliquent qu'ils veulent planter une croix de bois au sommet de la montagne ?!?? Ils sont fous ces Suisses. Surtout que ça a l'air vachement lourd leurs trucs. Mais bon c'est leur problème, hein. Ne dit-on pas que la foi transporte les montagnes ? Alors deux petits morceaux de bois...

Nous faisons donc une courte pause à 2950m. On aperçoit déjà le sommet. Chouette, on est bientôt arrivé, pensais-je. Tu parles. C'est trompeur nous dit le guide. On en a encore pour au moins une heure. Hein ?? c'est une blague. Ben non, en fait, c'est même deux heures et demi qu'il nous faudra.

Le sommet...

Et nous continuons notre progression le long de la crête. Et le soleil grimpe aussi dans le ciel et commence à nous réchauffer un peu. C'est que ça caille à 3100 mètres d'altitude. Arrivés à 3200m, là, nous sommes obligés de nous arrêter : il est temps de s'équiper. Devant nous, la glace. Harnais, crampons, mousquetons: nous formons cinq cordées. Une de cinq personnes en comptant le guide: j'en suis; et quatre cordées de trois personnes. Et oui, nous sommes dix-sept à jouer à ce petit jeu-là.

La première étape sur la glace se passe à peu près sans problèmes. Faut dire aussi que c'est relativement plat. Mais ce n'est quand même pas aisé. Quelques petits rochers à franchir, et nous attaquons vraiment le glacier. Glacier ai-je dit ? Suis-je distrait, j'avais oublié de la dire avant. Donc nous attaquons le glacier par une pente qui ressemble à du 45 ou 50 degrés, encore que je sois incapable de faire une estimation correcte et impartiale. Heureusement que le guide était là. Pour lui, c'était presque une promenade de santé. Il grimpe directement sur la glace, installe ses pitons et ses mousquetons, et nous assure pendant que nous essayons tant bien que mal de planter nos crampons dans la glace.Et bien je peux vous garantir que c'est difficile de planter des crampons dans la glace. Et surtout ça fait vite mal aux pauvre petits doigts de pieds. Mais bon, on y arrive quand même. Et après beaucoup d'efforts, nous franchissons les quelques deux cent mètres qui nous restent jusqu'au sommet. Un peu dans un nuage. Le soleil n'arrive pas à percer.

Au sommetEt à midi, nous y sommes. Nous sommes tous arrivés à monter en haut du Rinderhorn, 3453 mètres au dessus du niveau de la mer !!

Ben mon vieux, si on m'avait dit un jour que j'y arriverai. Et on a une vue merveilleuse sur les deux vallées avoisinantes, sur Kandersteg, notre point de départ, et sur Leukerbad (Loèche-les-bains en français), notre destination finale.

N'oublions pas de redescendre...

Après une petite pause bien méritée, il faut songer à redescendre.Contrairement à ce que nous pensions, c'est très facile de redescendre. Evidement, on ne descend pas sur les fesses, sinon c'est le plongeon garanti du haut du glacier dans la vallée quelques mille cinq cent mètres plus bas. Non, non, il faut bien planter ses crampons dans la glace, dans le sens de la descente. Mais tout se passe bien. Sauf que je me suis cassé la figure sur les trois derniers mètres du glacier, parceque la personne me précédant s'est cassé la figure aussi, et que nous étions encordés ensembles. Mais rien de grave.

Fini la glace, on se déséquipe et on redescent dans le pierrier. En fait, la meilleure méthode pour descendre... c'est quasiment de courir. On a une bien meilleure assise sur les pierres qui roulent et qui n'amassent pas mousse.

Et finalement, après avoir récupéré tout notre bazar, on repart avec nos dix kilos (moins la boisson qu'on a vidé entre-temps). Dernière étape: rejoindre le restaurant qui surplombe Leukerbad, pour prendre le téléphérique qui descend dans la vallée. Nous y sommes finalement vers 16h, juste à temps pour prendre une petite boisson, enlever les chaussures de marche et mettre des chaussures normales, attraper le téléphérique et sauter dans le bus qui doit nous amener à la gare pour le voyage de retour.

Y a pas à dire, mais descendre, ça va quand même beaucoup plus vite que monter. Nous avons mis au total près de 7 heures pour monter et seulement 4h pour descendre... Quelle équipée !!!

Enfin à la maison...

Complètement crevé, mais étonnament, aucune ampoule aux pieds. Etonnament aussi, peu de courbatures le lendemain. En arrivant à la maison, j'ai sauté dans un bon bain chaud, et dimanche, nous sommes même allés nous baigner dans le lac de Zürich. C'est peut-être demain que je vais commencer à sentir mes jambes, qui sait ?

Voilà. C'étaient les péripéties d'un Manu en Suisse. C'était aussi mon premier 3000 mètres, et peut-être pas le dernier, mais quand même, il faut que je me repose un peu avant le prochain.

A bientôt pour de nouvelles aventures...